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L’insertion des personnes fragilisées au cœur du travail des Missions régionales pour l’emploi par Thierry Dock

Cet article provient de la revue l’Observatoire, n’hésitez pas à vous procurer le numéro complet de la revue l’Observatoire (n°113).

Parmi les acteurs du secteur de l’insertion en Wallonie, les missions régionales pour l’emploi (Mires) sont insuffisamment connues. C’est sans doute du fait de la taille du secteur, plutôt que de leurs résultats. Les Mires s’adressent à un public spécifique, celui des personnes considérées comme éloignées de l’emploi. A cette appellation lourde à porter, nous préférons celles de personnes fragilisées.

Les Mires, trente ans d’histoire

En vertu du décret du Gouvernement wallon qui les régit, les Mires ont ‘pour mission principale de mettre en œuvre des actions d’insertion et d’accompagnement à destination des bénéficiaires pour les insérer dans un emploi durable et de qualité, et ce, en s’inscrivant dans le dispositif de coopération pour l’insertion. Leur équivalent à Bruxelles sont les Missions Locales pour l’Emploi. La première Mire est née en 1991 à Charleroi. C’est la Mirec. Elle est calquée sur l’expérience française des Missions Locales. A sa suite, dix autres Mires sont créées durant la période de 1993 à 1995, ce qui va permettre de couvrir l’ensemble du territoire de la Wallonie.

Figure 1 : les Mires aujourd’hui sur le territoire wallon

Carte des Mire en Wallonie

En 2004, est adopté le premier décret relatif à l’agrément et au subventionnement de ces dispositifs. Les principaux éléments définis dans cette législation sont la formalisation de la définition du public accompagné et la reconnaissance de l’utilisation du jobcoaching comme méthodologie. Un nouveau cadre décrétal et des arrêtés seront encore adoptés en 2009, constituant le cadre juridique actuel. La législation établit un lien entre le financement des Mires et leurs résultats. C’est une singularité majeure propre au secteur sur laquelle nous reviendrons. La législation de 2009 prévoit également la création d’une structure d’appui : l’InterMire. Suite notamment à l’adoption du nouveau décret relatif à l’accompagnement dit adapté proposé par le Forem, il est apparu indispensable d’ajuster la législation relative aux Mires. Un processus est en cours qui devrait conduire à la mise en œuvre d’un nouveau décret à partir du 1er janvier 2024.

Encadré. Le public des Mires

Les Mires ont pour mission de s’adresser à un public spécifique, celui des personnes considérées comme éloignées de l’emploi. Différentes conditions doivent être rencontrées pour qu’une personne demandeuse d’emploi puisse bénéficier de l’accompagnement d’une Mire. En vertu de l’actuel décret, au moins un des critères suivants doit être rencontré. Une personne bénéficiaire doit être demandeuse d’emploi :

  • Ne disposant pas du Certificat de l’Enseignement Secondaire Supérieur (CESS) ou d’un titre
    équivalent

  • Bénéficiant d’allocations de chômage ou d’attente pendant 24 mois au cours
    des 36 derniers mois

  • Réintégrant le marché de l’emploi
  • Bénéficiaires du Revenu d’Intégration Sociale (RIS) ou de l’aide sociale financière équivalente
  • Réfugiée reconnue en Belgique
  • Ressortissante étrangère autorisée au séjour
  • En possession d’une décision de l’AVIQ (personne en situation de handicap)

Sont aussi concernées les personnes qui sont engagées dans un contrat de type article 60 dans les 3 derniers mois de celui-ci.

Comme les données statistiques sur le chômage et l’inactivité l’indiquent, le fait d’être peu ou pas diplômé, d’être au chômage depuis longtemps, d’être étranger ou encore d’être en situation de handicap sont autant de facteurs — cumulés chez certaines personnes – qui augmentent la probabilité de ne pas parvenir à accéder au marché de l’emploi.

Le secteur est de taille modeste. Il emploie environ 280 personnes. Son budget total est de l’ordre de 16 millions d’euros. Les financements principaux sont respectivement ceux de la Wallonie (de l’ordre de 13 millions €) et du Fonds Social Européen (3,1 millions pour l’année 2020).

Le travail des Mires

Les Mires proposent un accompagnement vers et dans l’emploi, ainsi que des actions de formation en partenariat avec des opérateurs qualifiants. Elles réalisent la rencontre entre les profils des candidats et la demande des entreprises. Un suivi en emploi durant le premier semestre de l’engagement vise à pérenniser l’insertion. L’accompagnement vers l’emploi s’appuie selon différents 3 types de dispositifs. Le premier est le « jobcoaching ». C’est la méthodologie historiquement déployée par les Mires et elle est inscrite dans le décret actuellement en vigueur. Elle repose sur des temps d’accompagnement individualisé qui peuvent être articulés avec des temps collectifs. Il s’agit déchanger avec une personne demandeuse d’emploi sur ses aspirations professionnelles, l’accompagnement pour la réalisation de son CV, la préparation de candidatures.

Un autre dispositif sont les formations dites alternées. Elles consistent en des formations professionnelles qui sont mises en œuvre grâce au partenariat (avec des acteurs tels que le Forem ou l’enseignement de promotion sociale). Elles alternent des périodes de formation et de présence en entreprise. Citons comme exemples des cycles pour des fonctions de vendeur-caissier-réassortisseur, ou comme technicien.ne de surface en milieu hospitalier.

Certaines Mires ont concomitamment décidé d’utiliser des méthodes s’apparentant à de l’intermédiation active. Il ne s’agit plus tellement de travailler prioritairement avec une personne candidate à l’emploi, mais conjointement à intervenir plus directement auprès des entreprises. Une des considérations qui sous-tend cette intermédiation est que les modes de recrutement mis en place le plus souvent ne sont pas neutres. Ils constituent souvent un obstacle important pour certaines catégories de personnes. Comme le soulignent Castra et Pascual, ils génèrent une «sur- stigmatisation des chômeurs et des candidats ayant connu une succession d’emplois précaires. Ces stigmates seraient constitués de données d’ordre biographiques (être allocataire du RMI, être au chômage depuis plusieurs mois, n’avoir connu que des contrats courts…) qu’utilisent les recruteurs comme critères de sélection lors de l’embauche. »

Les méthodes d’intermédiation active reposent sur un changement de perspective. Une première spécificité est de privilégier un travail intensif avec l’entreprise, en intervenant dans les procédures de recrutement qui, comme nous l’avons évoqué, tendent à être un facteur important d’exclusion des personnes moins qualifiées ou peu expérimentées. L’intermédiation active s’appuie également sur l’observation selon laquelle dans de nombreuses entreprises, et particulièrement pour les emplois de première qualification, il existe un important turn-over. Celui-ci peut s’expliquer par différents facteurs. Citons des lacunes dans la présentation du poste de travail et l’écart entre le besoin effectif d’un employeur et la demande formulée (syndrome de la recherche du candidat avec un profil de « mouton à cinq pattes », même pour des postes requérant peu de qualifications). D’autres éléments sont le manque de suivi dans l’emploi des personnes nouvellement embauchées, qui n’ont pas toujours les codes adéquats, et l’absence de médiation entre l’employeur et le nouvel engagé. Le turn-over est au final doublement préjudiciable. Il l’est pour les travailleurs, confrontés à l’instabilité. Mais il l’est aussi pour les entreprises, à travers par exemple les coûts liés aux recrutements ou à la formation nécessaire à l’entrée sur le poste de travail.

Concrètement, outre le temps passé avec la personne chercheuse d’emploi, un investissement considérable est réalisé vers le monde de l’entreprise. Il s’agit de prospecter et dénicher les offres potentielles d’emploi, parfois latentes. A l’égard de ces offres, il s’agit de procéder à un examen approfondi, de trouver un maximum d’informations sur l’entreprise, sur le poste de travail. Il s’agit encore de négocier avec l’employeur, de préparer les rencontres entre celui-ci et la personne candidate à l’emploi. Et autre élément essentiel, il s’agit d’assurer un suivi pour que l’insertion dans l’emploi soit durable.

Dans l’accompagnement, un des pivots est la proposition d’offres d’emplois variées, considérant qu’il est important que la personne candidate ait la possibilité et le sentiment de pouvoir poser des choix. Dans le champ des politiques sociales, de nombreuses recherches mettent en avant l’importance des libertés. Celles-ci constitueraient un socle propre au déploiement d’un engagement, en référence à la théorie de l’engagement de Kiesler et Sakumura. Selon celle-ci, une personne respecte d’autant plus ses engagements qu’elle s’est sentie libre de les prendre. Diverses études, dont celles portant sur des chômeurs précarisés, mettent en évidence que les participants à un dispositif d’insertion sont davantage assidus lorsqu’ils participent à celui-ci de leur plein gré plutôt que lorsqu’ils se trouvent dans un contexte de contrôle et de sanction. Le sentiment, et la véritable existence, de libertés, apparaissent ainsi centrales au regard des théories de l’engagement.

A maints égards, l’intermédiation active a une portée innovante. Elle est aussi profondément progressiste. Elle s’inscrit résolument dans une rupture avec les canevas façonnés à partir des références de l’État social actif où c’est principalement la personne demandeuse d’emploi qui est sommée de s’activer.

Illustration du travail d’accompagnement et d’insertion

Pour comprendre comment fonctionne concrètement le travail effectuédansune Mire, j’ai demandé à Marie-Hélène Léonet, responsable de projets à la Mirena, d’exposer une situation. La bénéficiaire a été anonymisée. Nous l’appellerons Caroline. Caroline, ayant récemment terminé ses études, a un diplôme du secondaire supérieur (CESS). Elle s’adresse à la Mire pour une formation en vente alimentaire. Elle participe à une séance d’information de la Mirena. Elle est ensuite reçue en entretien individuel. Elle démarre la formation et suit l’entièreté du module. L’évaluation de cette formation mettra en évidence différentes difficultés : Caroline a très peu confiance en elle et fait preuve de très peu d’autonomie. Au vu de ces difficultés, il est décidé de proposer à Caroline un stage d’immersion, de deux semaines, dans une petite boucherie familiale où l’équipe de la Mirena sait que la bienveillance est de mise. Marie- Hélène espère un engagement pour Caroline. Mais l’évaluation du stage n’est pas concluante. L’employeur témoigne de la difficulté pour Caroline de voir les priorités et de prendre des initiatives simples. Il conseille d’orienter Caroline vers un poste cadré, avec un travail précisément défini.

Suite à un travail de prospection de Marie-Hélène, Caroline décroche un CDD d’un mois comme caissière dans une grande surface. L’expérience n’est à nouveau pas concluante. L’employeur pointe, lors d’une évaluation tripartite avec Caroline et Marie-Hélène, la difficulté de tenir un certain rythme. L’accompagnement proposé à Caroline se poursuit. Vu les difficultés d’apprentissage, Marie-Hélène se pose la question d’une reconnaissance par l’AViQ et demande un avis à cette dernière. Cet avis étant positif, avec l’aide de Marie-Hélène, Caroline accomplit alors les démarches pour obtenir la reconnaissance qui permettra à son ou ses futurs employeur.s de bénéficier d’une prime de compensation. En parallèle, un nouveau travail de réflexion autour de projet de Caroline est mené avec elle. Dans les activités de vente, il y a toujours des imprévus, ce qui pose problème au vu de son manque d’autonomie et d’initiatives. Une autre piste est imaginée : celle d’une activité dans une cuisine de collectivité, où les tâches sont strictement définies. Un contact est pris avec une structure d’hébergement et d’accompagnement pour personnes en situation de handicap de la région, qui est régulièrement partenaire de la Mirena. Marie-Hélène, dans le cadre d’une relation de confiance, communique clairement avec l’employeur sur les difficultés de Caroline. Un stage d’immersion de deux semaines est mis en place. Et cette fois, c’est une révélation pour Caroline. Tout se passe très bien elle, et au terme du stage, l’évaluation est positive. Aujourd’hui, elle est occupée dans le cadre d’un contrat d’adaptation professionnelle (CAP) dans cette structure. Caroline est suivie par une intervenante de l’AViQ. Au terme du CAP, elle pourrait être engagée par l’institution. Si ce n’était pas le cas, elle reviendrait certainement vers la Mirena et Marie-Hélène.

Un tel accompagnement vers l’insertion, c’est, dans le cas de Caroline, un travail d’un an et demi. Il témoigne de l’importance des relations de confiance construites par les Mires avec des employeurs locaux. L’accompagnement proposé à Caroline est aussi représentatif, car il montre comment une Mire chemine avec la personne dans son projet. Il témoigne aussi de la manière dont des articulations sont mises en place entre acteurs de l’insertion.

La signature des Mires : une obligation de résultats

Régulièrement, des critiques sont adressées aux acteurs de l’insertion. « Vous êtes trop nombreux. Il faudrait simplifier le paysage. » Ou encore : « On ne voit pas quel est votre plus-value. » Trois grandes familles d’acteurs coexistent dans le secteur de l’insertion socio-professionnelle : des acteurs privés commerciaux (les sociétés d’intérim), des services publics tels que le Forem, Actiris, l’IFAPME, et enfin, des acteurs associatifs. Les Mires font partie de la troisième famille. Elles se distinguent des acteurs commerciaux par leur finalité. Elle est sociale et sociétale pour les Mires, et lucrative pour ces derniers. En regard des services publics, les Mires se distinguent par leur souplesse et leur adaptabilité pour rencontrer au mieux des situations singulières.

Comme indiqué plus haut, en vertu du cadre légal, les Mires sont des actrices d’accompagnement mais aussi d’insertion. Les Mires sont tenues par des obligations strictes de résultats, tant au plan quantitatif que qualitatif. En fonction des moyens qui leur sont octroyés, elles doivent accompagner un certain nombre de bénéficiaires, à raison de 20 personnes par équivalent temps plein. Et parmi ces personnes accompagnées, au moins la moitié doivent être mises à l’emploi grâce au travail de la Mire, soit dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI), soit dans le cadre de contrats à durée déterminée dont le cumul doit être supérieur à six mois.

Les résultats sont au rendezvous. Pour donner quelques chiffres, en 2021, malgré une conjoncture impactée par la Covid, les Mire

  • ont reçu 5.930 demandeurs d’emploi
  • en ont accompagné 5.283 d’entre eux dans leur recherche d’emploi (ce qui correspond à un
    objectif décrétal rencontré à 106%)
  • 2.777 ont accédé à l’emploi, et pour 2.679 d’entre eux, cet emploi a duré au moins 6 mois.

Il peut donc être souligné que 51% des personnes accompagnées par les Mire en 2021 ont validé un emploi considéré comme durable. En regard d’un budget proche de 16 millions d’euros, chaque mise à l’emploi coûte donc en moyenne moins de 6.000€. Ces chiffres sont utilement mis en perspective avec le coût annuel estimé d’une personne au chômage, soit environ 35.000 €. Au regard du volume du chômage de longue durée en Wallonie, les résultats des Mires pourraient être encore beaucoup plus conséquents si elles avaient davantage de moyens.

L’efficacité du dispositif apparait donc de mise. Elle est à croiser avec une autre spécificité, celle du public accompagné par les Mires.

Un public de personnes fragilisées

A l’inverse des services publics et plus encore des sociétés d’intérim, les Mires ont pour mission de s’adresser à un public spécifique, celui des personnes considérées comme éloignées de l’emploi. Nous avons déjà noté à cet égard qu’au moins un critère indiquant une telle fragilité doit être rencontré pour qu’une personne demandeuse d’emploi puisse bénéficier de l’accompagnement d’une Mire, tel que le fait de ne pas disposer d’un CESS (ou d’un titre équivalent), être au chômage depuis un certain temps, bénéficier du RIS ou encore avoir une reconnaissance de situation de handicap par l’AVIQ.

La fragilisation du public des Mires est une réalité vérifiée et contrôlée. Ainsi, pour l’année 2021, parmi les 5.026 bénéficiaires :

    • 78% du public Mire n’a pas le CESS
    • 22% sont des chômeurs de longue durée (+24 mois)
    • 14% sont des bénéficiaires du RIS ou de l’aide sociale.

Une critique régulièrement formulée à l’égard des Mires est qu’elles écrèment les bénéficiaires parmi le public potentiel. Dans les faits, il leur revient de confirmer que les services qu’elles proposent sont adaptés à la situation de la personne demandeuse ou adressée par le Forem. Une tension est présente dans le travail des Mires. Elles doivent accepter de prendre des risques, si elles veulent maximiser leur impact social et sociétal. Mais d’autre part, elles doivent ne pas en prendre trop, au risque de ne pas atteindre leurs résultats. Car à la clé, la non-atteinte des résultats induit une perte de moyens, en vertu du décret, et donc une baisse des effectifs déployés pour assurer les missions d’insertion. Dans le chef de certains CPAS mais aussi du Forem, le dialogue est ainsi parfois tendu, considérant que certaines Mires pourraient être plus audacieuses, en acceptant par exemple davantage de personnes confrontées à de grandes difficultés. En vis-à-vis, les équipes des Mires savent que la durée d’accompagnement pour ce type de public est plus longue, et que la probabilité d’insertion dans un emploi durable est plus faible. C’est souvent l’objet d’un dialogue potentiellement conflictuel mais le plus souvent constructif au sein des organes d’administration des Mires qui réunissent, outre les interlocuteurs sociaux, des personnes représentantes du Forem, de l’AViQ, des CPAS et des acteurs associatifs.

Un exemple de collaboration entre une Mire et une entreprise: les hôpitaux de Wallonie picarde et la MIREWAPI

Depuis de nombreuses années, la MIREWAPI, Mire située en Wallonie Picarde, travaille en étroite collaboration avec le réseau hospitalier de la région (CHWapi). La collaboration s’appuie notamment surl’accueil en stage de techniciennes de surface en milieu hospitalier. La MIREWAPI propose de la formation alternée, durant laquelle les stagiaires suivent d’abord une formation théorique et pratique avant de pouvoir effectuer un stage professionnel en entreprise.Cette formation coordonnée par la Mire attire beaucoup de demandeuses d’emploi. Elle est conçue sur mesure en vue de faire acquérir les compétences et attitudes comportementales requises pour la fonction. En parallèle, les candidates bénéficient d’un accompagnement vers et dans l’emploi par la Mire. Chaque année, le CHWapi accueille des stagiaires de la MIREWAPI afin qu’elles puissent mettre en pratique les connaissances et compétences acquises lors de cette formation. La démarche permet aux stagiaires d’expérimenter le métier de technicienne de surface en milieu hospitalier et le CHWapi de se constituer un vivier de personnes à recruter à l’issue d’un stage concluant.En 2019, trois stagiaires MIREWAPI ont été embauchées au CHWapi, 11 l’ont été en 2020 et 11 à nouveau en 2021.

L’importance des partenariats

Les Mires insistent pour être considérées comme des opérateurs, non seulement d’accompagnement, mais aussi d’insertion. Si elles constituent pour un nombre important de personnes demandeuses d’emploi fragilisées le dernier intervenant avant l’embauche, elles ne travaillent pas pour autant de manière isolée. Elles font partie intégrante d’une chaîne d’intervenants avec qui elles nouent des partenariats. Le premier d’entre eux est le Forem. L’intervention des Mires s’intègre dans l’accompagnement dit ‘orienté coaching et solution’ organisé par l’opérateur public sur la base du décret du 12 novembre 2021. La collaboration dans la prise en charge des demandeurs d’emploi s’appuie sur différentes dispositions. Principalement, le Forem peut adresser un demandeur d’emploi vers une MIRE. Il existe un dispositif de collaboration qui organise les modalités de cet adressage et des échanges d’informations entre la MIRE et le Forem. Une Mire peut aussi accueillir une personne demandeuse d’emploi qui se présente à elle de manière spontanée. Dans ce cas, des modalités prévoient également l’échange d’informations à réaliser vers le Forem. La dimension partenariale s’appuie sur un dialogue opérationnel qui s’organise entre le Forem et la Mire autour du parcours du demandeur d’emploi et au terme de la prise en charge. L’objectif est d’assurer une continuité de l’accompagnement. Une préoccupation importante pour les Mires, comme pour d’autres opérateurs associatifs, est que dans le cadre des procédures de contrôle gérées par le Forem, l’échange d’informations s’opère au bénéfice des demandeurs d’emploi et ne leur porte pas préjudice. Le caractère volontaire des gestes posés par les demandeurs d’emploi et leur confiance dans la relation avec les Mires pourrait en effet être profondément affecté.

Des partenariats sont également essentiels avec d’autres acteurs. Citons l’AViQ pour ce qui concerne les bénéficiaires en situation de handicap, les CPAS qui ont des responsabilités également en matière d’insertion et qui utilisent largement à cet effet l’outil des articles 60 et 61. Une autre famille d’opérateurs importants sont les Centres d’Insertion Professionnelle (CISP) et les Régies de quartier.

Ce sont vers ces derniers acteurs que certaines personnes demandeuses d’emploi sont orientées en fonction de leur situation et de l’intérêt de développer certaines compétences, avant d’envisager une recherche concrète d’emploi. Des partenariats réguliers sont également en place avec des Fonds sectoriels.

Quelques enjeux d’actualité

Terminons ce panorama du travail réalisé par les Mires avec quelques enjeux saillants. Le premier est l’affirmation du travail des missions régionales et l’articulation de celui-ci, singulièrement avec l’opérateur public. Nous l’avons souligné, les Mires ont vocation à être partenaires du Forem, avec la spécificité d’orienter leur travail vers l’insertion de publics fragilisés. Or, le décret relatif à l’accompagnement a été revu, avec de nouvelles modalités qui se veulent individualisées et qui s’appuient sur la digitalisation. A la suite de la révision du décret Forem, un processus de révision du cadre légal régissant l’activité des Mires est en cours. La réforme décrétale pour les Mires devrait conduire à consolider leur autonomie quant à la méthodologie la plus appropriée au regard des besoins des bénéficiaires et du contexte socio-économique du territoire qu’elles couvrent. Un des enjeux majeurs est de défendre une véritable dimension partenariale entre le Forem et les acteurs associatifs. Les Mires disposent d’une expertise reconnue, par des centaines d’entreprises partenaires, dans l’insertion de certaines catégories particulières de personnes demandeuses d’emploi. Une des volontés principales des Mires est d’être reconnues pour cette mission, de ne pas être cantonnées dans l’accompagnement et de ne pas dépendre du Forem pour pouvoir déployer des initiatives à l’égard des entreprises. Le risque serait une fragilisation du travail des Mires et, in fine, une baisse de la qualité des services proposés aux bénéficiaires. La collaboration entre le Forem et les Mires est bien entendu essentielle. Elle doit reposer sur un respect mutuel et une relation de confiance. Et la construction de dynamiques partenariales ne peut être de l’ordre de la sous-traitance.

Un autre enjeu important a trait à la digitalisation du marché du travail, avec les risques que cette évolution entraine pour les personnes peu pourvues en capitaux économiques, mais aussi sociaux et culturels. Ne pas creuser le fossé induit par l’avancée du numérique implique pour les Mires une attention particulière, tant au niveau de l’accompagnement que des démarches d’insertion. Plus largement, les Mires sont en réflexion permanente sur leurs méthodes. Cette réflexion s’inscrit dans la volonté de maximiser leur impact sociétal. La réflexion méthodologique s’oriente vers le déploiement ou le renforcement de méthodes relevant de l’intermédiation active, présentées plus haut dans cet article.

Dans ces missions, l’argent reste le nerf de la guerre. Et comme de nombreux opérateurs associatifs, la situation des Mires reste à cet égard très fragile. Certes, elles bénéficient durant cette législature 2019-2024 d’une tutelle politique attentive. Mais la tendance de fond, favorisée par la « nouvelle gestion publique » (New Public Management), est bien présente et pèse sur les structures. Avec la montée de ce que certains analystes nomment la régulation concurrentielle, avec par exemple la multiplication des appels à projets où les opérateurs sont mis en compétition, les incertitudes financières sont chaque année plus nombreuses. Et les Mires le ressentent particulièrement. Il serait déplorable que cette fragilisation amène à baisser la voilure. Car les besoins sur le territoire restent très importants. Les Mires ne peuvent seules répondre aux dégâts causés par la privation d’emploi. Mais leurs résultats le démontrent, elles sont à la fois efficaces et efficientes.

Thierry Dock

Président de l’Intermire. Enseignant dans le Master en ingénierie et action sociales LLN/Namur

Haute École Louvain en Hainaut & Haute École Namur Liège Luxembourg et membre du Cérias.

Maitre de conférences à l’UCLouvain (FOPES et Ecole des Sciences du Travail)
Thierry.dock@miasllnnamur.be

N’hésitez pas à vous procurer le numéro complet de la revue l’Observatoire (n°113)